A travers ce travail de repérage de projets sur le bassin Loire Bretagne, nous avons voulu proposer une nouvelle cartographie de ce qui fait adaptation sur un territoire donné.
C’est à partir du constat, d’une adaptation incrémentale majoritaire qui continuent de figer nos manières d’habiter les paysages littoraux, que nous avons voulu élargir la perception de ce qui crée l’adaptation. Nous avons alors cherché d’autres marqueurs de ce qui peut fabriquer l’adaptation sur notre périmètre d’enquête (ici le bassin Loire Bretagne). C’est-à-dire des approches évolutives et non figées, qui proposent des démarches transformatives, incluant à la fois des changements sociétaux structurels (spatiaux, organisationnels, etc.) et des changements ontologiques (culturels, conceptuels, manières de penser ou d’être au monde, etc.).
Pour ce faire, nous nous sommes référées à la notion d’adaptation transformationnelle, soit une adaptation qui cherche à changer les éléments fondamentaux d’un système, incluant “leurs interrelations avec les autres systèmes humains ou naturels impliqués” (Simonet, 2020) et comprenant “les modifications de comportements, l’intégration de nouvelles connaissances, l’évolution des enseignements, aussi bien à l’échelle individuelle que collective” (Simonet, 2020). Par ailleurs, nous avons pris le parti de laisser en dehors de notre recherche les acteurs dits “classiques” (acteurs publics, institutions…) ainsi que les stratégies déjà connues (plans de prévention des risques, plans climat…) afin de nous concentrer sur la recherche de ce qui est peu connu ou encore non reconnu comme faisant parti de l’adaptation.
Pour tenter de définir cette adaptation, nous avons donc rassemblé un corpus de trois cent initiatives sur notre périmètre d’enquête, puis nous en avons sélectionné et analysé une centaine qui s‘inscrivent dans une dynamique de changements liée à l’adaptation transformationnelle. Pour construire cette sélection, nous avons d’abord créé une typologie spécifique qui permette de repérer des projets issus de différents domaines d’étude (science, écologie, paysage, architecture, arts, philosophie, action collective…) de même que plusieurs modes d’action (projet de recherche, projet de territoire, gouvernance, mise en réseau, lutte, création artistique, projet associatif…) croisant différents types de milieux géographiques (milieux maritime, saumâtre, terrestre ou insulaire…). Cette typologie est rendue visible dans l’encart à gauche du menu de sélection de l’atlas.
Ce travail de sélection puis d’analyse de chaque projet et d’approches associées, a ensuite été complété par des arpentages de terrain et des interviews des porteurs de projets, que vous pouvez lire dans les pages Rencontres et Interviews ou Carnet d’arpentage.
C’est grâce à cette ouverture sur une multiplicité de manières de voir, de penser et d’actions, que nous avons tenté de définir une nouvelle cartographie de ce qui fait adaptation sur les territoires étudiés (voir l’affichage par arborescence). Nous avons ainsi organisé et classé ce corpus de projets par, ce que nous avons nommé des “Modalités d’adaptation”, correspondant à des manières de répondre aux changements déjà à l’œuvre sur les territoires étudiés. On y retrouve à la fois des modes opératoires et des changements culturels. Nous avons ainsi défini un ensemble de quinze modalités d’adaptation qui gravitent autour de plusieurs pôles.
Le pôle “Regard critique et remise en question” revêt une dimension politique, de remise en cause de certains dogmes, de mobilisation pour la défense de milieux, paysages, modes de vie. Les projets repérés invitent à la négociation entre les différents habitants des lieux, les différents usages de ces milieux, ils proposent de construire un ensemble de revendications et d’exigences à la hauteur des changements en cours. Le second pôle “Liens aux paysages / territoires multispécifiques” propose une lecture spatiale des adaptations depuis les lieux, en incluant les interdépendances, les équilibres entre toutes les espèces vivantes qui constituent nos habitats et composent les paysages. Il rassemble les initiatives qui tentent d’amorcer une transformation de nos manières d’occuper les territoires. Le troisième pôle “Manières d’agir / Faire dans la matière” se situe davantage dans des formes d’adaptations qui s‘appuient sur une matérialisation spatiale et organisationnelle de nos manières de faire territoire. Il interroge les modalités du collectif, des communs, des visions divergentes et de ce que l’on construit ensemble. Le quatrième pôle “ Manières d’être au monde / Habiter l’incertitude”, celui-ci rassemble les initiatives qui tentent d’amorcer une transformation ontologique, culturelle de nos manières d’être en relation avec le monde, les milieux et les êtres qui les habitent avec nous. Il relie des approches plus immatérielles qui touchent à nos postures d’attention, aux sensibilités, aux représentations, aux cosmologies et aux imaginaires.
Ainsi avec ce travail, nous avons tenté d’élargir le cadre conceptuel de ce qui peut former une adaptation transformationnelle située, reliant un mélange d’actions, de postures, de manières de voir, de penser et de rapports sensibles aux lieux. Ces modalités sont à considérer dans leur ensemble, elles sont indissociables les unes des autres et dessinent, à elles toutes, une arborescence de l‘adaptation propre à un territoire donné. Pour nous, c’est cette reconnaissance plus élargie de ce qui fabrique l’adaptation qui peut permettre de nous amener, collectivement, à faire des choix qui renforcent nos capacités adaptatives, plutôt que de les diminuer.
Nota : il s’agit d’une approche subjective, analyse issue d’un contexte culturel en pays occidental riche et de climat tempéré, ici en France. Cet atlas fait état d’une recherche à un moment donné (2020-2025). Ce travail n’a pas pour but de figer une pensée, actée comme juste, mais plutôt de lancer des débats, de poser des questions, de proposer d’autres manières de voir.
Réalisation : Marie Banâtre et Sophie Dulau, accompagnées de Luce Renaud, Suzanne Katz, Louise Febrinon. Mise en forme graphique et développement de l’outil numérique : Basile Jesset et Adrien Jacquemet, Duo J-J. Tous droits réservés ©Atelier Klima, 2025.