L’enquête sur le bassin Loire Bretagne est un projet de recherche et une enquête de terrain, conçus et développés hors cadre de commande par l’atelier Klima. Nous avons voulu aborder l’adaptation aux changements climatiques des territoires littoraux, non pas comme un défi purement technique, mais comme la manifestation d’une mutation nécessaire de nos modes d’habiter et d’être en relation avec les paysages, les milieux.
Comment faire d’une situation critique et anxiogène le ferment d’un renouvellement de nos manières d’habiter, qui soit pensé à une échelle à la fois personnelle et commune ? Comment nourrir nos réflexions sur l’adaptation ? Qu’existe-t-il aujourd’hui qui puisse être une ressource pour s’adapter aux mutations qui sont là et à celles qui viennent ?
Pour mieux appréhender ces questionnements, nous avons souhaité les appliquer à un terrain d’étude précis afin de comprendre comment l’adaptation se forme et se créée sur les territoires étudiés. Notre périmètre d’étude relie la Bretagne, les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine. Il s’agit plus précisément du littoral allant de la baie du Mont-Saint-Michel à l’estuaire de la Gironde, correspondant à la partie littorale du bassin hydrographique Loire-Bretagne. La diversité de paysages et de rapports à la mer qui s’y trouve, nous permet d’aborder les thématiques liées aux changements climatiques de façon multiple et complémentaire.
À travers cette enquête, nous proposons de décloisonner les manières de concevoir l’adaptation afin de dépasser les habitudes de penser qui nous empêchent de considérer différemment l’habitabilité des rivages (sortir de la réduction des risques, d’une vision court-termiste ou de la recherche d’une solution unique, techniciste…).
À la recherche des signaux faibles de l’adaptation, nous cherchons à révéler différentes formes d’adaptation et différents imaginaires caractérisant les liens que nous entretenons avec les rivages. Nous nous intéressons à des projets, des acteurs, des initiatives d’hier et d’aujourd’hui, peu connues, isolés ou au stade expérimental. Qui sont les acteurs concernés ? Quelles sont les modalités d’adaptation proposées ? Où sont les lieux d’effervescence et les lieux d’absence de projets ? Peut-on amplifier ces signaux faibles pour créer une véritable dynamique systémique de l’adaptation ?
Nous proposons de mener cette enquête en mobilisant des cadres méthodologiques à la croisée de l’analyse territoriale, paysagère et architecturale, de la philosophie et de l’enquête ethnologique. Nous avons ainsi développé un protocole d’enquête basé sur plusieurs axes de recherche menés en parallèle :
· Un repérage et une analyse de projets sur notre secteur d’étude permettant de proposer une cartographie de l’adaptation. Nous partons à la recherche des signaux faibles présents sur les territoires étudiés, afin de tisser un réseau de repères, de projets et d’acteurs. Nous repérons ainsi des projets en nous intéressant à plusieurs thématiques : Architecture et manières d’habiter les territoires / Paysages et écologie / Communauté et actions collectives / Arts et philosophie. Ces quatre entrées de recherche nous permettent de croiser des disciplines, des formes d’action, de conception et de pensées. Notre repérage de projets ne répond pas à un objectif quantitatif. Nous voulons présenter des projets à résonnance universelle, attachés au territoire et qui parlent à tous. L’idée est de réunir et de relier cette diversité d’approches afin de proposer une nouvelle cartographie de l’adaptation.
· Des rencontres et interviews d’acteurs et de porteurs de projets. Nous cherchons ici à comprendre ce qui relie ces acteurs à leur territoire, quels sont leurs rapports intimes à la mer, aux rivages, quels sont les dispositifs d’actions ou de réflexions qu’ils développent, les freins et les réussites qu’ils rencontrent, comment perçoivent-ils l’adaptation, le temps long, les transformations des paysages, nos usages des lieux, nos relations aux milieux… Cette partie de l’enquête nous permet de personnifier les démarches d’adaptation en partageant des parcours de vie, des points de vue, des réflexions et des engagements d’acteurs.
· Une recherche sémantique et conceptuelle sur les modalités d’adaptation. Nous cherchons à ouvrir nos perceptions de l’adaptation, à rendre compte de l’épaisseur sémantique qui s’y rattache et à proposer plusieurs modalités d’adaptation. Nous nous référons pour cela à nos interviews, nos analyses de terrain et à nos lectures, à nos écoutes qui enrichissent notre recherche. Nous nous intéressons à l’adaptation transformationnelle et à ce qu’elle implique comme changements dans nos modes de vie, nos manières d’habiter, de nous relier au vivant, au paysage. Nous tentons de montrer l’adaptation dans sa diversité, sa complexité et sa richesse.
· Une représentation visuelle des enjeux liés aux changements climatiques et des transformations sur les paysages littoraux. Nous constituons un grand reportage photographique à partir de nos arpentages de terrain, et nous commençons la création de cartographies et illustrations graphiques représentant les dynamiques systémiques liées à l’adaptation : les effets cumulatifs du changement climatique (érosion, submersion, recrudescence des tempêtes, accentuation des phénomènes de sécheresse, manque d’eau douce, etc.), les liens avec l’agriculture et nos moyens de subsistance (types de culture, besoins en eau, saisonnalité, etc.), les paysages en transformation (forêts, dunes, marais, deltas, etc.), les zones de friction (inondations, pollutions, stress hydrique, etc.), les zones de luttes, les lieux d’effervescence de projets.
À travers cette enquête et ce travail de recherche par strates, nous explorons l’entrelacement de plusieurs thématiques : déconstruire les dogmes / poser autrement les questions / composer le territoire avec les transformations, les rythmes et les seuils / prendre en compte les interdépendances / détourner les usages / vivre dans des mondes abîmés / éprouver la douleur des paysages / apprendre à vivre avec l’accident / lutter, réparer / reconnaître ce à quoi nous tenons / voir les beautés du vivant / se laisser toucher, éprouver / écouter la diversité des mythes et des cosmologies. Ces différentes thématiques nous serviront de guides et d’orientations pour repenser nos modes d’habiter, nos relations aux rivages, à l’océan, aux paysages et au vivant.
Notre projet se compose de trois phases menées en parallèle. Un temps de recherche, d’enquête de terrain, d’arpentage et de rencontres et interviews avec les porteurs de projets. Un second temps de mise en lien et d’analyse des projets sur les territoires étudiés. Puis un troisième temps de partage sous la forme d’un atlas cartographique de projets, d’articles critiques, de portraits d’acteurs, ainsi qu’une publication papier retraçant le parcours de cette enquête et un ou plusieurs événements collectifs.
Ce projet vise à ouvrir les réflexions liées à l’adaptation, à enrichir les connaissances et à partager une recherche vivante basée sur les territoires étudiés.
Cette initiative est soutenue par le Mécénat de la Caisse des Dépôts, l’Agence de l’eau Loire Bretagne, la DREAL Bretagne, l’ADEME et la Fondation de France.