L’approche de Klima

« Ce qui nous attend n’est pas un big flash, une fin du monde brutale et instantanée. Non, quoi qu’il arrive, ça va se déglinguer pendant des siècles. Alors ma question est : que peut-on fabriquer aujourd’hui qui puisse éventuellement être ressource pour ceux qui viennent ? ». Isabelle Stengers, Résister au désastre, édition Wildproject, 2019.

Qui est Klima ?

Klima est un atelier de recherche indépendant fondé en 2019 sous le statut d’association loi 1901. Porté par deux architectes, Sophie Dulau et Marie Banâtre, il s’enrichit de collaborations ponctuelles (paysagistes, architectes, géographes, sociologues…).

Nos recherches et investigations portent principalement sur les grands bouleversements écologiques en cours : changements climatiques, érosion de la diversité du vivant, pollutions environnementales… Nous travaillons sur la diversité de formes que peut prendre l’adaptation sur un territoire donné, et sur ce qu’elle implique comme transformations radicales de nos modes de vie, nos manières d’habiter et nos relations aux milieux et aux paysages. Notre approche cherche à appréhender la complexité des bouleversements en cours, au-delà des débats d’experts et des références techniques, en proposant des regards qui nourrissent la créativité, l’esprit critique et les questionnements.

Au delà des discours dominants et d’une adaptation fixiste

Klima est né en réaction aux discours dominants entendus à travers nos pratiques, selon nous homogénéisant, réducteur et non remis en cause, autant dans l’appréhension des effets du changement climatique que dans les modes d’actions proposés. Les représentations culturelles dominantes, les méthodes actuelles d’appréhender les changements climatiques, contribuent-elles à faire perdurer le déni, l’inertie et à verrouiller les trajectoires d’un avenir habitable ? Comment sortir de l’illusion de maîtrise et de toute-puissance, basée sur des approches fixistes ? Existe-t-il d’autres repères qui permettent de régénérer nos représentations de l’adaptation ?

Nos visions de l’adaptation

Nous faisons le pari qu’il existe une pluralité de visions de l’adaptation qui vont au-delà des solutions techniques communément montrées par les médias ou revendiquées par les institutions publiques comme seule alternative, et qui selon nous, peuvent contribuer à entretenir une perception partielle du danger, une illusion de sécurité.

Nous nous intéressons à l’adaptation transformationnelle (adaptation qui change les éléments fondamentaux d’un système) ainsi qu’à l’adaptation spontanée (adaptation sans préméditation explicite ou consciente) et à ce qu’elles proposent comme changements dans nos modes de vie. Nous souhaitons sortir de la vision unifocale du « risque » pour retrouver de la richesse et de la complexité, à la fois dans nos relations aux milieux et dans nos manières d’être et d’habiter dans ces milieux.

Nous voulons participer à la création d’autres visions de l’adaptation, l’adaptation au sens large, pas seulement celle aux changements climatiques, car il serait trop réducteur de cataloguer les grands changements en cours uniquement en termes de climat. Les changements sont multiples et systémiques (réchauffement climatique, pollutions environnementales, extractivisme, sixième extinction des espèces, érosion de la diversité du vivant, bouleversement des systèmes biotiques…).

Les rivages comme territoires sentinelles

Nous nous intéressons aux littoraux comme symboles de territoires en grandes mutations – des paysages sentinelles (M. Duperrex) – car l’on peut y voir de manière plus intense qu’ailleurs les transformations en cours et les tensions entre nature et société.

Sur les territoires littoraux, les changements climatiques sont souvent réduits à la montée des eaux et à l’érosion. Pourtant, ils se traduisent par un cumul de phénomènes qui modifient et vont modifier, profondément, les paysages et nos manières d’y habiter : montée du niveau des mers, perturbation des courants marins, acidification des océans, accélération de l’érosion des côtes, salinisation des terres, remontée du biseau salé dans les rivières, mais également hausse des températures (de l’air et de l’eau), pénurie d’eau douce, perturbation des saisons et des aléas météorologiques intensifiés (tempêtes, inondations, sécheresses, méga feux, etc.). Les impacts seront de plus en plus complexes à gérer, se produisant souvent simultanément, avec des dommages toujours plus vastes (terres submergées, destructions d’habitats et d’infrastructures, zones devenues inhabitables ou non-cultivables, raréfaction des ressources, effondrement de la diversité du vivant, effets en cascade). Certains changements seront irréversibles, l’élévation du niveau des mers va par exemple se poursuivre pendant des siècles. 

De surcroît, ces conséquences sont accentuées par une forte anthropisation et une fragmentation des paysages littoraux (poldérisation, pressions foncières, artificialisation, modification des cours d’eau, pollution des sols, perte de diversité biotique, extraction accrue de ressources, disparition de zones humides, etc.) qui contribuent à fragiliser nos capacités d’adaptation ainsi que celle de ces milieux. Le lien, aujourd’hui sans équivoque, entre les dérèglements climatiques et nos modes de vie surconsommateurs (d’espaces, de ressources) et profondément inégalitaires dans la répartition de ces biens, amène à penser que nous devons également nous adapter à une impossibilité physique de poursuivre de telles pratiques, de tels modes de vie, puisqu’ils nous poussent à notre propre perte.

Partager une recherche vivante et itérative

Nous proposons de chercher et d’analyser une diversité de manière de faire et de penser l’adaptation, puis de les partager avec tous pour stimuler et inspirer de nouvelles approches aux changements climatiques. Nous tentons de développer, à travers ces recherches, des réflexions plus relationnelles et analogiques que comparatives, en mettant en dialogue différents cercles de pensées.

Nos projets en cours

Une enquête de terrain sur le bassin Loire-Bretagne pour comprendre ce qui crée l’adaptation sur un territoire donné et questionner nos modes d’habiter. Un grand repérage de projets et d’acteurs qui, pour nous, nourrissent l’adaptation aux changements climatiques. La création de cartographies critiques analysant nos perceptions des changements, la rédaction d’articles, mais aussi la réalisation d’interviews donnant la parole à ceux qui pensent et créent l’adaptation. La création d’une cartographie à l’échelle internationale, Converging Coastlines, pour valoriser des approches venant d’autres pays. Ces recherches hybrides sont une manière de proposer un espace qui rassemble tous ces questionnements, ces envies de penser autrement, ces expériences et tentatives, c’est ce que nous essayons de partager à travers ce site internet et lors de nos conférences.

Nous enseignons également en écoles d’architecture et de paysage (ENSP-Versailles, DSA Architecture et Risques Majeurs ENSA-Belleville, Programme européen Mélimed avec l’ENSA-Marseille, la Faculté d’architecture La Cambre-Horta de Bruxelles, l’Instituto Universitario di Architettura de Venise, etc.). Sophie mène en parallèle un doctorat sur l’adaptation à l’ENSP-Versailles et Marie travaille dans l’agence d’urbanisme Particules.