Nous avons souhaité rencontrer Barthélémy Schlumberger pour échanger sur son engagement autour de la mémoire du risque, plus particulièrement sur le territoire de La Rochelle. À travers son ONG et son agence de paysage, Barthélémy met en œuvre une démarche singulière permettant de penser le territoire dans sa profondeur, à l’échelle du bassin versant. Nous avons voulu l’interroger sur son projet de requalification urbaine à la Rochelle suite à la tempête Xynthia. Au-delà de la construction d’une digue dans un secteur patrimonial, Barthélémy a élaboré une réflexion autour de l’activation d’une conscience collective liée à la mémoire du risque. Nous nous sommes rencontrés dans un café à La Rochelle le 20 octobre 2021.
Klima : Bonjour Barthélémy, nous sommes ravies de te rencontrer aujourd’hui, peux-tu te présenter en quelques mots ?
BS : Je m’appelle Barthélémy Schlumberger, je suis concepteur, paysagiste et urbaniste. Je dirige l’agence Landescape, basée à La Rochelle et je suis aussi directeur de l’ONG Bleu Versant.
Klima : Une humeur du jour ?
BS : Venteux…
Klima : Venteux en toi aussi ?
BS : Il y a un peu de flux marin aujourd’hui, ça fait du bien.
Klima : Où est-ce que tu as grandi ?
BS : J’ai grandi au Havre, je suis passionné par cette ville.
Klima : Quel serait ton premier souvenir de contact avec le rivage ou avec l’eau salée ?
BS : Étant né en bord de mer et ayant un père marin, j’ai l’impression d’avoir toujours connu la mer. J’ai baigné dedans depuis toujours : une vie en bord de mer, avec des liens familiaux maritimes. Et aussi, beaucoup de promenades étant enfant dans des îles, sur des falaises calcaires du pays de Caux ou sur des bords de plages. C’est ça qui est ancré dans ce que je fais aujourd’hui.
Klima : Tu le conserves même si tu es dans un paysage très différent aujourd’hui ?
BS : Parfois, on essaie de trouver des origines à ce qu’on fait qui dépassent finalement la raison ou les orientations de la vie. Personnellement, je me suis rendu compte que je parlais tout le temps de bassin-versant, j’ai donc fait des recherches pour comprendre d’où ça venait. Je pense que les promenades que je faisais sur le pays de Caux, avec ce côté sinueux où on descendait au fil de l’eau, qui avait sculpté la roche pour arriver jusqu’à la plage, ont une très forte représentation à mes yeux. Cette figure est devenue une matrice dans l’approche que j’ai des bassins versants ou du paysage plus généralement, c’est donc très intime.
Klima : À quel rivage te sens-tu attaché ou relié ?
BS : On dit qu’on a toujours un port d’attache, mais tous les rivages me touchent. Ayant vécu et vivant en bord de mer, j’ai l’impression d’être connecté partout, on est sur une terre qui fait le lien entre les rivages.
Klima : Tu as eu envie de devenir marin, comme ton père ?
BS : Exactement, pendant longtemps, j’en ai eu envie surtout lorsque je l’accompagnais lors de ses trajets dans la marine marchande. Mais un jour près de Douarnenez, un soir où il pleuvait très fort, j’ai réalisé que j’avais rencontré de la solitude dans toutes les personnes croisées dans le milieu marin et je me suis dit que j’avais besoin d’un peu de sol pour créer et donc qu’il me fallait du rivage. Je me suis dit que j’allais construire avec l’eau et l’océan, mais à terre.
Klima : Ce n’est pas souvent que les gens nous racontent des choses d’eux-mêmes. Qu’est-ce que tu aimes ici, à La Rochelle ?
BS : Ça fait depuis 2005 que j’y habite et il me semble que c’est un cadre de vie intéressant, il y a une réelle proximité. C’est une échelle de ville qui me plaît, même si c’est un peu petit pour avoir une dynamique culturelle riche, il y a quand même régulièrement des flux de nouveaux arrivants qui dynamisent la ville.
Klima : Comment tu en es venu à créer l’agence Landescape et l’ONG Bleu Versant ?
BS : Ça a commencé lorsque j’étais en doctorat à Paris avec le BRGM, mais pour des raisons personnelles et familiales, j’ai été amené à arrêter. Le sujet de ma recherche était l’approche des bassins versants via le paysage dans un rapport à la fois culturel et pratique. Le doctorat est ce qui a été le fond de pensée l’ONG Bleu Versant. Mais il fallait que je travaille et j’ai donc créé mon agence Landescape à La Rochelle, car il y avait une forte demande de paysagistes. Six ans plus tard, j’ai eu un peu plus de recul sur l’agence et ça m’a permis de revenir à mes premiers amours qui étaient l’ONG.
Klima : Pourquoi tu t’intéresses au littoral et aux risques ?
BS : Je pense que lorsqu’on vit au bord du littoral, on a une connaissance des aléas et des situations de risques. J’ai été moniteur de voile et sauveteur donc j’ai toujours fait face à la question du risque, de la noyade, de la tempête, de la peur et puis j’ai aussi un père marin qui m’a raconté des tempêtes monstrueuses dans les mers les plus reculées du monde. J’ai tout un imaginaire et un vécu sur la mer et le risque.
Klima : Est-ce que tu peux nous parler de tes projets en cours en lien avec le littoral ?
BS : Nous travaillons sur deux dossiers en ce moment, un premier traitant de l’agglomération sud de La Rochelle, en réponse post Xynthia. La commande initiale était dans le cadre d’une OAP (Orientation d’Aménagement et de Programmation) sur la bande littorale. L’enjeu était de mieux comprendre la bande littorale dans le cadre du PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal). On a très vite abordé le sujet du changement climatique en montrant des cartographies de l’incidence du rehaussement du niveau marin sur le littoral et surtout sur le rétro-littoral. On s’est très vite rendu compte avec l’analyse du bassin versant qu’il fallait changer le périmètre de réflexion.
Suite à cela, nous avons élaboré un plan guide multisectoriel qui touche à la fois, l’estran, la frange littorale, le rétro-littoral, l’infrastructure, l’agriculture. On pense le secteur sensible dans sa profondeur, à l’échelle des bassins versants littoraux. C’est pratique parce qu’on n’a pas de grandes masses d’eau, donc pas de grands bassins hydrographiques : ce sont de petits bassins versants littoraux. C’est donc assez facile en termes de conception et de reconnaissance par les habitants, car ce sont des petits territoires. Ça fait 10 à 15 km de profondeur, ce n’est pas comme le bassin hydrographique de la Loire ou du Rhône. C’est intéressant, car c’est un territoire qui a été fortement impacté par Xynthia. De ce fait, on a un écho réel de la population qui a vécu la catastrophe, ils connaissent le risque et le vivent encore.
BS : Le deuxième dossier sur lequel nous travaillons, c’est Port-des-Barques. Ce sont les Marneurs qui sont mandataires dans le cadre de l’opération Grand Site Estuaire où il y a eu trois appels d’offres sur trois secteurs. Sur notre secteur, on tente de requalifier le site qui est très vulnérable vis à vis de l’impact lié aux flux touristiques. Dans un premier temps, la porte d’entrée sur le projet était la requalification paysagère et la gestion des flux, mais nous l’avons réorienté vers l’adaptation aux changements climatiques et la vulnérabilité qui sont notre ADN commun avec Les Marneurs.
Klima : Peux-tu nous parler de ton projet sur le quartier du Gabut ?
BS : Dans un premier temps, il y a eu la tempête Xynthia sur la commune de La Rochelle. Ensuite, il y a tout un travail auprès du Ministère pour déterminer quel type de stratégie il faudrait pour réduire la vulnérabilité des populations qui ont été touchées par Xynthia.
Ce qui a été retenu, c’est une protection collective « Xynthia +20 cm », avec trois bassins de risque, il y a donc le secteur du Gabut, tout le centre-ville et puis le secteur Port-Neuf. Le premier PAPI (Programmes d’Actions de Prévention des Inondations) à être sorti était sur le secteur du Gabut vu qu’il y a un enjeu patrimonial, on est en secteur sauvegardé, c’est vraiment la carte postale de La Rochelle avec les deux tours.
Ils ont donc demandé à un paysagiste mandataire de faire ce projet, ce qui est rarissime sur ce type d’approche. C’était intéressant comme cahier des charges, on a répondu et on a été retenu. On a visé une approche montrant qu’on avait personnellement vécu Xynthia et l’aménagement ne pouvait se penser que s’il partageait le traumatisme vécu par la tempête.
Initialement, le cahier des charges préconisait une digue de protection sur le trait de côte, mais nos analyses ont montré que c’était le quartier entier des Minimes qu’il fallait protéger. C’était tout le quartier qui devait être pensé comme résilient : on pouvait laisser entrer l’eau, moyennant une étude très fine sur la capacité des infrastructures à encaisser un marnage régulier. On a négocié la marge de manœuvre pour que l’on travaille à la fois sur le trait de côte, et sur la largeur et profondeur, pour garder une zone soumise aux aléas dans le dispositif. C’était une grande victoire pour nous. On trouvait important de ne pas rester derrière des batardeaux ou une digue en cas d’aléas, pour qu’à d’autres endroits l’eau puisse passer. C’était pour nous nécessaire pour garder en mémoire que ce n’est pas juste une digue.
Klima : Et les arbres sont-ils toujours bleus ?
BS : Selon nous, il manquait quelque chose de plus efficace, plus fort ou plus facile à comprendre pour interpeller les gens autour du risque d’inondation. L’idée m’est venu de montrer une action forte sur trois alignements d’arbres, qui sont visuellement très photogéniques. On a représenté sur les arbres Xynthia et Xynthia +20 cm avec le niveau de projection créé par la houle.
La tempête était dans la nuit, donc tout le monde n’a pas vu jusqu’où la mer est montée, notre action sur les arbres permettait aux gens de se rappeler ou de se rendre compte jusqu’où l’eau était montée. Et aussi de mettre en avant quels ouvrages il faudrait mettre en place pour atteindre l’objectif Xynthia +20 cm.
Avec les arbres bleus, on travaille la mémoire. Pour le badigeon, nous avons utilisé la chaux qui est un produit naturel, utilisé pour lutter contre l’intrusion de maladies sur les arbres. Ce que je trouvais très beau, c’est que ce badigeon dans le temps s’efface, avec les UV et la pluie. Je trouvais que ça faisait écho à la mémoire du risque car celle-ci s’efface aussi et qu’à un moment donné, il faut la réactiver. Le pigment bleu provient d’un coquillage concassé et donc de la mer, la boucle est bouclée.
Klima : Les arbres vont être re-badigeonnés alors ?
BS : On a refait deux sessions : l’une deux ans après, et une pour les 10 ans, mais pas sur les 340 arbres. C’est dommage parce que nous, ce qu’on trouvait symbolique, c’était que tous les arbres soient bleus.
Klima : Pourquoi c’était imaginé seulement sur les arbres et pas sur les bâtiments par exemple ?
BS : L’arbre en terme de symbole, de perception, de représentation pour le grand public, c’est la nature, c’est le vivant. On avait pensé le faire sur les bâtiments, mais ce n’est pas le même impact sur une conscience collective. Dans un milieu urbanisé, l’arbre est un vecteur qui permet de faire le lien avec le vivant.
Klima : Maintenant que ce projet est terminé, qu’est-ce que tu retires de positif ou au contraire qu’est-ce qui te semble avoir échoué ou ne pas avoir été assez loin ?
BS : Ce qui n’a pas été assez loin dès la conception, c’est sur la question de la ville en elle-même qui est un secteur vulnérable. En termes d’adaptation, on n’y est pas : la ville impose Xynthia +60 cm pour les permis de construire donc on s’adapte progressivement, mais il n’y a pas de réflexion globale sur le sujet. C’est décevant, tout comme cette culture de la mémoire du risque qui n’est pas pérennisée.
BS : Par exemple, le long du Rhône, il y avait un projet européen avec le Plan Rhône mais c’était assez institutionnel concernant la culture du risque. Et pourtant, on a mis en place le projet des arbres bleus là-bas aussi et lorsque c’est sorti dans la presse, ça a fait un tollé général. Du coup, ils les ont effacés parce que ça dérangeait. Nous, on était content, car on cherchait à éveiller les consciences, mais dans la nuit le maire a fait effacer les arbres bleus à coup de karcher. Pourtant, c’est obligatoire pour les collectivités de communiquer sur les risques, mais dès qu’il y a des choses trop visibles ou trop perceptibles par le grand public, c’est dit “risqué” pour les élus.
Klima : Oui, c’est comme à La Faute-sur-Mer, la catastrophe n’est signifiée à aucun endroit, mis à part le petit mémorial à côté d’un rond-point. Pourtant, si on observe bien, il y a encore les batardeaux d’entrée de l’ancien lotissement qui sont les seules traces restantes au sol. Maintenant, il y a un golf et c’est très étrange de voir les gens jouer sur un lieu d’accident.. On a justement discuté avec un jeune homme qui ne savait pas que 28 personnes étaient mortes sur place.
BS : On peut observer deux repères de crue, qui sont politiquement corrects, mais finalement, ça ne marche pas, tout le monde s’en fout, personne ne les voit. C’est pour ça qu’on avait proposé que le dispositif arbres bleus soit en complément de ça…
Klima : Selon toi, qu’est-ce qu’il manque aujourd’hui sur ces sujets et quels sont les angles morts, les points non étudiés que tu souhaiterais traiter ?
BS : À mes yeux, la culture du risque au sens culturel, c’est essentiel. L’université de Lyon avait montré que toute la communication institutionnelle sur le risque était complètement erronée et qu’elle n’arrivait pas à toucher le public concerné. Cette étude anthropologique a montré que les supports utilisés actuellement étaient totalement inefficaces pour toucher le public. Ils ont démontré que c’était l’approche culturelle, quelle qu’elle soit, dans sa diversité, qui était plus à même de pouvoir amener le public à s’éveiller et à aller chercher une information plus complexe.
Par exemple, je vais solliciter le Centre national des arts de la rue à La Rochelle pour voir s’ils ne peuvent pas orienter leur cahier des charges sur une thématique liée à la culture du risque d’inondation dans les arts de la rue. La culture du risque doit être beaucoup plus présente parce que c’est ça qui nous permettra de lire certains paysages ou certaines situations. La question de l’adaptation, revêt la même logique : tant qu’on n’a pas mis des mots, des noms, des ressentis, ça ne marche pas.
On a oublié que les populations littorales, avant qu’elles soient urbaines et détachées du lien maritime, savaient déjà vivre avec ce risque, avec cette coupure, avec cette approche-là et elles n’avaient pas besoin de faire des ouvrages à plusieurs millions pour arriver à une réponse rapide.
Néanmoins, à La Rochelle chaque année, ils font des exercices pour tester le matériel, se mettre en situation réelle pour que les agents sachent faire et réagir en situation de risque. C’est un peu une culture du risque par défaut, mais je pense que s’il y avait autour de ça des actions culturelles populaires, ça marcherait encore mieux.
Puis il y a la question du courage politique, il y a peu de communes qui s’attellent au problème. Si c’était plus bordé juridiquement, les élus auraient peut-être un peu plus de facilité à s’engager là-dessus.
Klima : Est-ce que tu penses que qu’on est préparé pour les années à venir ?
BS : Pour la Rochelle, je pense qu’on est préparé à une catastrophe de type Xynthia, en termes d’aléa, car les ouvrages sont finalisés, par contre au-dessus du seuil des ouvrages, non.
Klima : Comme on le disait précédemment, le fait d’avoir construit et préservé toutes ces digues et protections ne permet pas de penser le vrai sujet qui serait celui de l’adaptation, qu’en penses-tu ?
BS : Quand on voit la capacité de réponse, les moyens mobilisés suite à Xynthia, c’est quand même assez impressionnant. Il faudrait essayer d’estimer ce que ça a coûté : l’achat du foncier pour démolir, les ouvrages, l’entretien et la gestion des ouvrages. C’est des montants qui sont assez importants, donc sur des pays développés comme la France, les capacités de réponse, on les aura. Mais dans les pays plus pauvres ce ne sera pas pareil donc ça pose la question de l’inégalité de l’adaptation.
Klima : En même temps, je trouve que l’on n’est pas préparé à la complexité des enjeux qui peuvent arriver en même temps ou s’accélérer. Je ne suis pas sûre que l’on soit préparé à une multiplicité d’enjeux et de crises.
BS : C’est pour ça que les grands indicateurs disent clairement, d’un point de vue purement financier, que si on ne change pas le modèle global, il sera trop fragile dans les années à venir.
Klima : Dans ta pratique, à travers l’agence ou l’ONG, quelles sont tes différentes manières d’agir ou les sujets qui t’intéressent ? Souhaites-tu qu’ils évoluent ?
BS : C’est toujours frustrant, mais j’ai un exemple pour ça : quand tu demandes à un artiste-peintre “pourquoi tu peins ?”, souvent ce qui ressort, c’est un besoin de cohérence : quand on est éveillé, attentif ou qu’on a une sensibilité particulière vis-à-vis d’un sujet, ça devient une nécessité d’être cohérent avec soi-même.
Klima : Tu te sens plus proche de pratiques alternatives comme les arts de la rue ?
BS : Mon expérience de concepteur m’a montré que la dimension culturelle est prometteuse. S’il n’y a pas dans l’aménagement préalablement une conscientisation, un partage de l’enjeu de façon sensible et intime, les gens qui habitent le territoire que l’on aménage n’ont pas de réelles consciences des risques. C’est pour cela qu’on s’est tourné davantage vers la dimension culturelle. Dans le théâtre de rue, à travers les sujets qu’ils abordent, ils ont une vraie liberté de ton, de parole.
C’est mieux quand la dimension culturelle est attachée à une mutation réelle et territoriale. On a du mal à rendre le sujet ou l’approche perceptible pour le grand public, et pour certains objectifs, il faut viser des cibles précises, pour être plus lisible et visible, pour que le partage de l’objectif soit faisable.
L’arborescence peut être infinie, elle est obligée de se restreindre sur certains champs pour que le niveau d’objectifs soit partagé. Par exemple notre géant bleu, on l’a appelé « sur le bitume l’océan » et grâce à ça, il y a beaucoup de gens qui comprennent ce qu’on est en train de faire et qui ensuite, en fonction de leurs envies, leurs capacités, leur disponibilité ou leur parcours, vont voir quelle est l’arborescence qu’il y a derrière. Mais il a fallu se restreindre sur des objets simples, qui parlent à tous. J’ai donc arrêté de penser à essayer de vendre le concept général du bassin versant, ça ne marchait pas.
Klima : En tant qu’architectes, on se rend compte qu’il y a peu de regards critiques, on se sent un peu seules parfois. Pour nous, c’est important de proposer d’autres discours ou d’autres manières de faire qui ne soient pas juste des réponses à des appels d’offres.
BS : Oui, avec l’exemple du procès de l’affaire du siècle, on pourrait y voir la responsabilité des élus locaux sur l’adaptation aux changements climatiques. Et donc leur demander « qu’avez-vous fait pour préparer la population et réduire le risque ? ». Dans tous les cas, c’est plus facile d’avoir un réseau national, voire international, sur le sujet pour faire pression localement. Si personne n’envoie un courrier juridique aux élus en leur disant que la population pense que les digues sont juste une belle promenade, ils ne s’en rendent pas compte. Pourtant c’est donc que l’élu n’a pas informé son public sur le fait d’être dans une zone vulnérable.
Au niveau local avec l’ONG, on a une approche entre culture et accompagnement, sensibilisation des enfants et de la population, et une aide à la prise de conscience un peu plus opérationnelle des collectivités. On n’a jamais été dans l’engagement avec des pancartes, manifestations, etc. mais on se pose aujourd’hui la question. Par exemple, il y a un agriculteur dont personne ne dit le nom, qui est la source de cancers pédiatriques liés aux pesticides, de pics de pollutions dans l’eau, mais personne ne fait rien. Il y a un enjeu environnemental, de santé publique. Si les pouvoirs publics ne sont pas en capacité de pouvoir enrayer ce type de dysfonctionnement avéré, alors il faut agir ! J’aimerais pouvoir faire des actions en ce sens avec l’ONG.
Klima : En temps difficiles, quel serait ton territoire ou ton lieu refuge ?
BS : Je ne sais pas. Quel type de catastrophe ? Le refuge s’adapte à l’aléa. Je ne suis pas dans le catastrophisme, et pourtant, je travaille sur le sujet. Je ne suis pas prêt à aller dans les Alpes, à acheter du foncier pour être en autonomie. Je sais que plein de personnes réfléchissent à la situation habilement, mais je ne me sens peut-être pas prêt, ou alors pas suffisamment conscient. Je vous répondrai la prochaine fois.
Klima : Et si tu avais des antennes de langoustine, tu aimerais capter quoi ?
BS : Les courants marins, car on sait qu’avec le changement climatique, le décalage du Golf Stream va avoir d’énormes incidences sur le climat. Avoir des antennes qui te permettent de voir dans la mer, en rouge les changements de salinité ou les changements de flux, ça serait fabuleux. Comme un système de vision qui permettrait de comprendre le ressenti des météores, ça serait super. Je ne sais pas ce que j’en ferais objectivement, mais je trouve ça génial !
Klima : Si tu étais un autre être qui peuple la terre, que ça soit un minéral, un végétal, ou un animal, qui serais-tu ?
BS : C’est une très bonne question, j’ai mis beaucoup de temps à accepter mon enveloppe humaine, mon corps humain. J’étais tellement absorbé par le sujet de l’eau, quitte à m’y perdre, que j’ai mis du temps à m’incarner dans une enveloppe charnelle. J’aurais pu être une goutte d’eau ou un nuage, mais je suis un humain dans une enveloppe et j’ai mis du temps à faire avec. J’aimerais donc être de l’eau, je suis très bien en eau moi, de toute façon, on en est déjà constitué de 70 ou 80 % d’eau.