Les paysages et leurs représentations culturelles ont un rôle considérable sur l’organisation de l’espace et les dynamiques territoriales. Face aux effets prévisibles du changement climatique, il est indispensable d’envisager un nouveau type de développement pour les territoires vulnérables du littoral métropolitain. Il engage à une nouvelle relation au rivage ainsi qu’une solidarité renouvelée entre le littoral et son arrière-pays. De par sa double dimension culturelle et temporelle, le paysage peut alors devenir une ressource pour porter des transitions – touristique, naturelle, agricole et urbaines – dans une relation circulaire liant les conséquences des effets du changement climatique aux efforts d’adaptation et aux représentations qui en découlent.
La prise en compte de la valeur culturelle des paysages recouvre plusieurs dimensions en France, depuis les représentations picturales du 17e siècle aux politiques des sites inscrits et classés au (19 – 20e siècle) et plus récemment par les opérations grand site de France. D’une vision pittoresque à l’idéal de la nature comme bien commun, la représentation culturelle que nous avons des paysages – perception par les populations et construction de représentations collectives des sites – souffre aujourd’hui d’une remise en question par les approches environnementalistes d’une part et par la banalisation des paysages du quotidien d’autre part. Pourtant la a prise en compte de la valeur culturelle des paysagespourrait être la source d’un renouveau du paysage dans les prochaines décennies. Aux mutations urbaines et agricoles qui ont eu cours depuis les trente glorieuses pourraient rapidement succéder des transformations dues au changement climatique. D’après les prévisions scientifiques, l’environnement subira des atteintes directes et les paysages subiront des évolutions dans les prochaines décennies. Il est prévisible que le rapport des populations à ces derniers change. Mobilisant la notion de paysage comme relation intime d’une société à un territoire, nous postulons un retournement de point de vue : le paysage peut devenir une ressource pour percevoir les évolutions qui adviendront et être porteur d’actions d’adaptation des territoires aux effets du changement climatique.
Parmi les paysages français métropolitains, les paysages littoraux possèdent une sensibilité accrue aux impacts du changement climatique par l’évolution de la relation terre-mer, l’urbanisation balnéaire, la présence de milieux naturels fragiles et fortement pratiqués ainsi que d’une superposition d’usages (et donc de représentations). Le choix a ici été fait d’exposer les effets littoraux du changement climatique avant de tenter une définition des paysages culturels (par une approche institutionnelle). Dans un second temps, nous examinerons comment un paysage culturel peut être porteur d’un projet d’adaptation et ce qu’il faut attendre de sa médiation.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a diffusé en 2014 son 5e rapport : en fonction du scénario d’émissions contrôlées (RCP2) ou d’émissions fortes (RCP 8.5), le changement climatique n’aura pas les mêmes effets en matières de températures et de précipitations. Depuis un demi-siècle, le réchauffement observé est net, d’environ 0,7°C, dû à la variabilité naturelle mais surtout aux facteurs anthropiques directs. Dès 2030, une hausse des températures moyennes se fera nettement sentir et cette tendance s’amplifierait puisque nous pourrions observer en 2100 une hausse moyenne de 2°C et estivale de l’ordre de 5,5° C (dans le scénario le plus pessimiste et à certains endroits) s’accompagnant d’une hausse significative du nombre de jours de canicules et d’une généralisation des périodes de sècheresse (fig. 1 : évolution des températures entre 2000 et 2050). L’élévation moyenne des températures (air et eau) devraient entrainer la précocité des événements printaniers et le déplacement des habitats terrestres des plantes et des animaux ainsi que le déplacement des algues, du plancton et des poissons. Elle entrainera aussi des risques d’incendies de forêt plus importants. L’accroissement des épisodes de fortes précipitations pourrait entrainer des inondations, des glissements de terrain et avoir un impact sur la productivité des cultures. Ces effets auront des impacts notoires et directs sur la flore et donc les paysages tels que nous les connaissons aujourd’hui. Les effets positifs du changement climatique sont très peu abordés dans la littérature scientifique ou technique. Le CDEDD (2011) laisse entendre un étalement de la saison touristique estivale du à la clémence des températures au printemps et à l’automne (impact favorable sur l’économie).
L’élévation régulière du niveau de la mer est constante depuis le début du 20e siècle et s’accélère depuis trente ans sans pour autant que cette élévation soit géographiquement uniforme (CGEDD, 2011). La montée de son niveau moyen combinée à la modification du régime des tempêtes aura pour effet une accélération du recul de certaines parties du littoral, des submersions temporaires plus fréquentes, une fragilisation des cordons dunaires, la réduction des plages voire la disparition de plages de poche. L’augmentation du niveau de la mer rendra nécessaire le renforcement en hauteur et en solidité des ouvrages de protection maritime au risque de la perte de terres côtières. Enfin, l’augmentation des intrusions salines dans les aquifères côtiers entrainera le développement de nouvelles lagunes et l’appauvrissement des sols agricoles côtiers. La diminution des eaux douces souterraines pour les différents usages (urbain, touristique et agricoles) nécessitera le recours à des techniques de stockage temporaire de l’eau (fig. 2 : réserve de substitution en eau). La modification par envasement ou eutrophisation des marais salants aura des conséquences sur les activités humaines, notamment sur la conchyliculture. Les effets du changement climatique conduiront nécessairement à des évolutions des paysages littoraux qu’il est difficile de prévoir aujourd’hui. Vue l’incertitude de l’intensité de ces effets au regard des différents scénarios du GIEC, leurs conséquences sur les paysages sont encore plus incertaines. D’autre part, la description analytique des effets du changement climatique donne une vision incomplète de la situation à venir car leur combinaison produira des effets croisés restructurant les paysages selon les contextes locaux et selon des rythmes superposés.
Il convient de remarquer que l’avènement des effets du changement climatique obéit à des temporalités et des rythmes variés. L’augmentation des températures moyennes engage une transformation continue tandis que le recul du trait de côte s’opère déjà par saccades irrégulières sous l’assaut des tempêtes hivernales. La position du trait de côte est mobile par nature. Le niveau de la mer était 100 m plus bas il y a 10 000 ans et a dépassé le niveau actuel voici moins de 3 000 ans. Si nous prenons le cas de la Charente-Maritime, le rivage était plus reculé l’époque gauloise pour former les golfs des Pictons et des Santons. Depuis, le retrait de la mer associé à la poldérisation et l’assèchement des marais ont permis l’anthropisation de nouvelles terres. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au phénomène inverse d’érosion marine accentué par le risque de submersion temporaire (fig. 3 : érosion et submersion métropolitaines). Si l’État s’est impliqué de longue date dans la stabilisation du rivage charentais (dès l’implantation du grand arsenal maritime à Rochefort en 1666), la tempête Xynthia a mis en évidence les faiblesses des ouvrages de défense actuels qu’elle a endommagés ou submergés. Or, le changement climatique risque d’accentuer l’occurrence et l’intensité de tels phénomènes. Au sein de ce mouvement lent, les cordons dunaires et les forêts littorales possèdent leur propre rythme d’évolution et l’ensemble forme des paysages littoraux dynamiques dont les variations nous sont plus ou moins perceptibles. Il faut s’attendre dans les prochaines décennies à des évolutions majeures du littoral avec le déplacement du trait de côte, la modification importante des milieux et des habitats (modification des aires de réparation de la faune et de la flore), la réduction possible de certains paysages pittoresques comme les marais littoraux et l’apparition de nouveaux paysages lagunaires par exemple. Se croisent deux phénomènes que sont le rythme des changements et la perception que nous en avons ; l’évolution dans le temps des milieux s’adaptant au climat est une chose mais notre perception des paysages en est une autre. Puisque ce qui fait paysage pour nous n’est qu’une vision sélective du monde, nous pouvons poser la question de notre perception des évolutions lentes du littoral d’autant que la plupart d’entre-nous ne le fréquente que ponctuellement.
Le rivage fait aujourd’hui l’objet d’une surveillance accrue dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (MEDDE, 2012) et de différents plans de gestion intégrée. Pourtant, ces actions ne convoquent que très rarement une approche culturelle de ce paysage spécifique en dehors d’une attention portée sur le patrimoine bâti maritime (phares et forts maritimes en premier lieu). Dominé par une imagerie picturaliste (les rivages des peintres du 19e siècle, fig. 4 : « La Plage de Granville »), le trait de côte apparait comme immuable alors même que les défenses maritimes – digues et autres – sont encore absentes des représentations contemporaines. L’absence de marqueurs paysagers d’une évolution du rivage rend encore peu lisible l’évolution de ce milieu. Or comme nous l’avons précédemment avancé, les effets du changement climatique vont avoir des conséquences notables sur les paysages littoraux qui, pour être perceptibles, vont nécessiter une éducation du regard.
L’UNESCO a donné une définition précise des paysages culturels : ceux-ci présentent les « oeuvres conjuguées de l’être humain et de la nature, ils expriment une longue et intime relation des peuples avec leur environnement. » La Convention du patrimoine mondial (1992) fut le premier instrument juridique international à reconnaître et à protéger les paysages culturels qui illustrent l’évolution de la société sous l’influence de leur environnement naturel. Ces paysages culturels se divisent en trois catégories majeures (UNESCO, 2014) : le paysage clairement défini et créé intentionnellement par l’homme (ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques), le paysage évolutif résultant d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse (paysage relique dont les caractéristiques passées restent matériellement visibles ou paysage vivant qui conserve un rôle social actif), et enfin le paysage culturel associatif (association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels à l’élément naturel sans traces matérielles tangibles). Bien que ces définitions s’appliquent à des sites très spécifiques relevant d’un intérêt international, elles sont éclairantes sur les différentes interactions possibles entre une société et son environnement pour former un paysage culturel ordinaire. Les gradations allant de l’association à l’intervention et de la conservation à l’évolution continue peuvent nous permettre de penser plus finement nos relations avec les paysages culturels. La définition du paysage culturel qui sera retenue ici tient de ces trois strates : celle de la perception par les populations et d’une dynamique des territoires. Dans un pays fortement anthropisé comme le notre, tout est paysage culturel car perçu et modifié de longue date. Le paysage est alors assumé comme un ensemble de signes qui sont autant de reflets incomplets et déformés de signifiés naturels. Le paysage devient même patrimonial dès lors que la société lui attribue une valeur mémorielle, historique ou esthétique particulière.
Le paysage est conditionné au regard. Cette sensibilité aux territoires perçus a suscité en France des lois de protection du paysage dès le début du 20e siècle. En 1906, les deux lois Bauquier organisent la protection des sites, monuments naturels de caractère artistique et des paysage : « propriétés foncières dont la conservation peut avoir, au point de vue artistique ou pittoresque, un intérêt général […] ». Le paysage y assume son obédience visuelle, à valeur patrimoniale prononcée, qu’il faut le protéger. En 1930 sera votée une nouvelle loi ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque qui consolide la politique française des sites (7 900 sites sont protégés à ce jour). Après la loi dite « paysages » de 1993, la loi d’engagement national pour l’environnement de 2010 introduit les trames vertes et bleues : « ces trames contribuent à … améliorer la qualité et la diversité des paysages. » Cette rapide mise en perspective législative sur un siècle voit l’émergence d’une approche visuelle associé au bien commun qu’il serait nécessaire de protéger.
Si nous examinons maintenant la directive européenne « Habitats » (1992) concernant la conservation des habitats naturels (faune et flore sauvages), elle intègre la gestion des éléments du paysage, comme le 6e programme d’action pour l’environnement (2002) qui insiste sur la conservation et l’amélioration des paysages pour la qualité de la vie et le fonctionnement des systèmes naturels. La Convention européenne du paysage dite « de Florence » (Conseil de l’Europe, 2000) porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains et développa une approche dynamique allant de la protection à l’aménagement. Nous observons une complémentarité d’approche entre le droit français orienté sur la nature visuelle du paysage et les démarches européenne qui font du paysage un élément constitutif de l’environnement dont il ne peut être détaché. Dans son article 1e, la convention apporte la définition suivante du paysage : « désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. » Ici, le paysage se définit de façon globale et « il n’est pas limité à des éléments culturels, artificiels ou naturels : le paysage forme un tout, dans lequel les éléments constitutifs sont considérés simultanément dans leurs interrelations. »
Le littoral français se compose pour sa partie naturelle de falaises, de dunes et de landes côtières, de plages, de forêts et zones boisées côtières, d’estuaires, de marais… Mais à bien y regarder, il est surtout caractérisé par des zones urbaines résidentielles, artisanales et portuaires, ainsi qu’un réseau routier dense. Les sols cultivés y sont fragmentés et insérés dans des territoires urbanisés. Pourtant nous avons une représentation idyllique – à une forte connotation balnéaire – de ces paysages littoraux. Cette représentation s’est construite au fil du 20e siècle avec l’essor du tourisme et le marketing publicitaire tout en réduisant considérablement la grande variété des éléments de paysages à quelques archétypes : les plages sous un soleil estival, les falaises normandes vues depuis les sentiers de promenade… Dans cette imagerie, nous faisons immanquablement face à la mer, face à un avant-pays maritime, tournant ostensiblement le dos au rétro-littoral. Elle conditionne non seulement notre regard mais aussi le rapport de proximité que nous entretenons avec le rivage. L’application de la loi littoral (1985) a permis une meilleure prise en compte des paysages littoraux en offrant un cadre réglementaire aux débats locaux sur la densité urbaine admissible, la préservation des espaces remarquables et des coupures d’urbanisation. Sans faire mention à proprement parlé de paysages littoraux culturels, elle contribue à dépasser une appréciation du littorale réduite à la bande en front de mer portant « les vues sur la mer » pour l’étendre à l’ensemble du territoire communal, réintroduisant une plus grande variété de paysages dans les questionnements d’aménagement de l’espace. Le littoral est d’autre part un espace de conflit entre différentes pratiques qui contribuent à la construction des paysages culturels (allant par exemple de la décontraction insouciante du surf aux emprises conchylicoles). En réponse, la gestion intégrée des zones côtières est un processus qui a pour objectif de réunir autour d’un même projet des acteurs aux intérêts souvent divergents et qui se traduit réglementairement par un schéma de mise en valeur de la mer (SMVM). Seuls 4 SMVM sont approuvés en métropole – étang de Thau, bassin d’Arcachon, Trégor Goëlo (Côtes d’Armor), golfe du Morbihan – et 2 SCoT sont en cours d’intégration d’un chapitre individualisé valant SMVM : c’est dire la difficulté de mettre d’accord des acteurs pour aboutir à un projet commun. Cette incapacité laisse place à une diversité des représentations culturelles du littoral.
Il convient de rappeler que le littoral français se caractérise par la coexistence de deux types d’organisation de l’espace : une étroite bande côtière fortement urbanisée et un arrière-pays jusqu’à présent marqué par des activités rurales, plus ou moins déconnecté des flux touristiques. Sont rétro-littoraux les espaces polarisés par l’activité touristique balnéaire. Ils sont clairement reconnaissables par leur esthétique générique qui va des ronds-points aux décors nautiques (fig. 5 : Saint-Georges-de-Didonne) à la présence d’activités spécifiques tels que les campings en passant par la densité de résidences secondaires. L’arrière-pays – ou hinterland – peut se définir comme partie de territoire ayant un lieu d’interdépendance avec le littoral. La mythologie romantique d’être « face à la mer », renforcée depuis les trente glorieuses par l’urbanisation littorale et sa sur-spécialisation touristique, déstructure considérablement les relations entre littoral et arrière-pays. La relation historique entre des ports puissants et leur hinterland nourricier, a laissé place au 20e siècle à une opposition qui possède des variations régionales (la côte méditerranéenne a poussé l’influence touristique en profondeur des terres mais avec une forte ségrégation sociale tandis que la côté atlantique conserve un arrière-pays souvent à dominante agricole). Or, force est de constater, qu’hormis quelques sites comme la Provence ou le Marais poitevin, l’arrière-pays n’est pas perçu (en dehors de ceux qui l’habitent) et fait l’objet de représentations culturelles affaiblies. En l’absence de villages pittoresques porteur de gentrification, les arrière-pays servent aujourd’hui essentiellement à la relégation des populations travaillant sur le littoral mais n’ayant pas les moyens de s’y loger. D’autre part, l’agriculture contemporaine a considérablement amoindri la qualité des paysages d’arrière-pays par la suppression des éléments paysagers tels que les haies tandis que l’urbanisation périurbaine faisait disparaitre les limites traditionnelles entre les villages et la campagne. Les éléments qui composent les paysages d’arrière-pays (spécifiquement pour les littoraux atlantiques et du nord) ont donc été souvent détériorés. Pour prendre un exemple, les chevelus hydrographique en relation avec les marais littoraux ont pu être dégradé (suppression de la végétation d’accompagnement pour faciliter le curage de fossés, busage…) au point de réduire considérablement la visibilité de ces éléments de paysage. Ces cours d’eau et ruisseaux sont trop souvent malmenés par l’agriculture et l’urbanisation pour finalement être niés dans les paysages quand bien même ils sont structurants et ont considérablement influencé l’organisation urbaine et agricole au point de faire de l’eau douce (et saumâtre) un élément fédérateur de bien des paysages rétro-littoraux et d’arrière-pays.
Pour reprendre la terminologie de l’UNESCO, remarquons que le caractère « clairement défini et créé intentionnellement » des paysages littoraux s’affirme avec l’urbanisme balnéaire (telle les promenades de front de mer) , leur caractère dit « évolutif » s’affirme quant à lui avec un patrimoine maritime et agricole visible qui conserve un rôle actif (les ports, le bocage d’arrière-pays…). La sureprésentation des paysages du rivage s’appuie sur leur caractère « associatif de phénomènes artistiques et culturels » aux éléments naturels – plages, falaises, landes littorales (dont les représentations artialisées sont nombreuses et populaires). Or, ces paysages culturels vont subir l’impact des effets du changement climatique avec une accentuation des risques à proximité directe du rivage. La question qui se pose est de comprendre comment vont évoluer nos perceptions du rivage et des zones sous son influence devant la montée du niveau de la mer, la modification de la végétation et l’évolution des activités humaines économiques et balnéaires. L’appréciation de ces évolutions passera par la perception des paysages. D’autre part, la nécessaire relocalisation des biens hors des zones vulnérables pourraient amener à repenser la relation entre le littoral et son arrière-pays.
Les effets du changement climatique auront des conséquences sur les milieux engageant les écosystèmes vers une transformation inéluctable tant que leur résilience est possible. La capacité des écosystèmes à supporter les changements climatiques locaux associés aux atteintes anthropiques (fragmentation écologique, pollution…) est très difficilement prévisible localement, bien que globalement nous sommes sur d’une adaptation « naturelle » par modification de la distribution des espèces ou variation de la diversité biologique. Parallèlement à l’auto-adaptation naturelle, l’adaptation anthropique en général et du paysage en particulier doit être interrogée. L’adaptation vise à réduire la vulnérabilité, qui se définit comme une exposition locale aux effets du changement climatique en fonction d’une sensibilité à ses conséquences possibles et d’une capacité à y faire face. La politique des risques en France s’est établie en grande partie sur l’inondation et la submersion temporaire avec le déploiement jusqu’à ce jour des plans de prévention du risque d’inondation (PPRI) et littoraux (PPRL). Cette culture nationale du risque a déjà considérablement transformé les paysages fluviaux et côtiers avec l’édification d’endiguements et d’autres défenses (fig. 6 : digue du Martrais). Nous devons considérer que l’adaptation au changement climatique va impacter autant voir plus les paysages. Déjà les politiques d’atténuation promouvant la production d’énergie renouvelable ont eu un impact important sur certains territoires ruraux ou périurbains avec l’implantation d’éoliennes et de centrales photovoltaïques. Demain, l’adaptation de l’agriculture voyant une évolution des modes de cultures et des variétés, l’auto-adaptation des milieux naturels et l’émergence d’un modèle urbain plus résiliant provoqueront autant d’évolutions des paysages. L’UNESCO présente l’adaptation comme étant avant tout dépendante des perceptions sociales des risques (fig. 7 : modification des paysages et changement climatique). En ce sens, l’adaptation possède une dimension culturelle s’appliquant sur des paysages pris au sens des territoires de vie tel que perçu. Il suffit de comparer deux documents d’adaptation territoriale pour vérifier les divergences d’approche en matière de prise en compte du paysage.
Dans les « Stratégies territoriales d’adaptation au changement climatique dans le grand sud-ouest » (SOGREAH pour la MEDCIE GSO, 2011), à partir de la définition des enjeux (dont la préservation du potentiel adaptatif de la biodiversité, la nécessité de renforcer la sensibilisation aux risques littoraux et surtout la reconnaissance d’un patrimoine naturel riche), diverses mesures d’adaptation sont proposées pour la côte atlantique :
_ concernant la dégradation de la qualité des écosystèmes : des mesures sans regret sur le maintien de la qualité des écosystèmes aquatiques et terrestres, le maintien de corridors écologiques et la préservation de zones refuges pour les espèces sensibles ainsi qu’une lutte contre les espèces envahissantes (gestion coordonnée de la biodiversité sur de vastes territoires) ;
_ concernant l’accès à l’eau : encouragement d’une culture de l’eau, de son économie et de son coût ;
concernant les impacts des événements extrêmes : cartographie des zones exposées à la submersion marine et observation du littoral ;
_ concernant l’agriculture et la forêt : modification des pratiques culturales et mise en place de gestion des peuplements forestiers sur le long-terme ;
_ concernant le tourisme : évolution des conditions favorables au tourisme estival et compensation de la baisse de l’attractivité des plages (due à l’érosion).
Nous observons qu’en dehors de la reconnaissance d’un patrimoine naturel dit riche et d’une « grande diversité de milieux et de paysages » dans le diagnostic, il n’est pas fait état des impacts sur les paysages, l’étude restant à des considérations dites stratégiques.
L’étude sur l’adaptation au changement climatique en Basse-Normandie (DREAL BN, 2011) – réalisée à partir d’entretiens dirigés – met quant à elle bien plus en relation les effets du changement climatique et les paysages :
_ les atteintes à la biodiversité sont pour le moment essentiellement liées aux modes de gestion actuels de l’espace agricole et urbain avec la fragmentation des territoires et la création d’isolats. La défragmentation des habitats est donc une des clefs d’action sur laquelle il conviendra d’agir car la capacité d’adaptation de la biodiversité à la crise climatique sera intimement liée à son état de déstructuration ;
_ la destruction de bâtiment ou leur simple fragilisation par la submersion et les tempêtes pourrait entraîner à long terme un report de la construction sur des espaces rétro-littoraux aujourd’hui voués à l’agriculture avec des conflits d’usage et une restructuration des paysages ;
_ le changement climatique en influant sur les types de productions agricoles impacte fortement certains paysages emblématiques de la Basse Normandie et notamment le bocage (bien que cette affirmation nécessiterait d’être questionnée). En dehors du maintien de la biodiversité et des changements affectant l’agriculture, c’est tout un mode de fréquentation touristique rurale qui sera remis en cause par ces changements de paysage;
_ des craintes émergent également sur le devenir de certains sites majeurs comme les plages du débarquement, la pointe du Hoc, l’aiguille d’Étretat, la baie du Mont Saint Michel ou encore les marais côtiers affectés par les rentrées d’eau salée ou par les dysfonctionnements des portes à flots. Affectés par l’élévation du niveau de la mer et les impacts des événements extrêmes comme les tempêtes, ces sites peuvent soit disparaître, soit avoir un mode de fonctionnement totalement bouleversé.
L’étude porte en grande partie sur les conséquences des impacts du changement climatique affectant les paysages bas-normands et un risque identifié par les acteurs d’une perte de l’identité culturelle qui soutient l’économie touristique régionale.
Les deux études divergent grandement sur la place qu’occupe le paysage dans les stratégies d’adaptation. Elles s’accordent en revanche sur le fait que le changement climatique n’apparaît pas perceptible en tant que tel pour les acteurs locaux (même si « un sentiment d’avancement de la saison printanière est parfois perceptible »). La distinction entre les deux études ne vient pas de leur différence d’échelle puisque celle du Grand sud-ouest se décline par unités territoriales inférieures à la taille de la Basse-Normandie. Partant d’une structure commune – du réchauffement à l’échelle globale aux impacts régionaux – leur divergence provient du fait que dans un cas les propositions d’adaptation sont établies par démonstration analytique tandis que dans l’autre elles sont établies aux dires d’acteurs locaux. Leurs discours passe par le truchement du paysage (tel que perçu par eux-mêmes) pour décrire les transformations survenant à leur territoire de vie. La sensibilisation des acteurs et leur mobilisation ressortent de la consultation de ces deux études, comme à celle de documents similaires, avec très souvent une approche partagée de la construction de scénarios d’adaptation. Il convient maintenant de montrer la capacité du paysage à devenir porteur d’adaptation, en mobilisant entre autre son rôle de médiation auprès des acteurs locaux.
L’enjeu de la relation à ces paysages affectifs / affectés est de taille lorsque les prévisions démographiques projettent l’installation de plus de quatre millions d’habitants supplémentaires d’ici 2040 dans les départements littoraux métropolitains. Ajouté aux projections démographiques celles des impacts du changement climatique, nous comprenons vite que ces territoires vont devenir un enjeu majeur de vulnérabilité et qu’il sera fatalement nécessaire d’y remédier par des aménagements au risque de dégâts matériels et de perte en vies humaines considérables si rien n’était entrepris. Ces modifications spatiales vont modifier le paysage dans ses cinq dimensions (Besse, 2009 cité par Brunon, 2010) : comme représentation culturelle et sociale, comme territoire fabriqué et habité, comme environnement matériel et vivant, comme expérience phénoménologique et comme projet. C’est à l’articulation de ces dimensions que réside le rôle central du paysage comme médium des changements en cours et à venir.
Dans les territoires littoraux, la prise en compte des paysages comme outils au service d’une politique d’aménagement commence peu à peu à s’imposer. Jusqu’alors, le paysage n’était pas considéré comme une ressource à l’exception de l’extraction ou de la production agricole et forestière. Le développement identitaire des territoires se fonde aujourd’hui sur la reconnaissance de la richesse paysagère et culturelle comme le démontre le succès des opérations « Grand site de France ». Le paysage tend de plus en plus à s’imposer comme créateur de richesse par l’attractivité et les aménités récréatives et culturelles qu’il génère. Bénéficiant de cette position, le développement de politiques paysagères – aidé en cela par des acteurs institutionnels comme le Conservatoire du littoral ou les parcs naturels régionaux – pourrait placer le paysage en médiation d’intérêts et de perceptions divergentes au profit des projets territoriaux unificateurs. Face à la triple transition – urbaine / touristique, agricole et naturelle – en cours et dont l’évolution va s’accélérer dans les prochaines décennies du fait du changement climatique, la révélation du paysage comme bien commun assurant une médiation sociale et culturelle pourrait devenir un pivot des politiques publiques et au-delà des projets d’aménagement. À partir de cette médiation, nous pouvons envisager la réhabilitation des trames vertes et bleues. Au-delà, le paysage pourrait être considéré comme porteur de nouvelles valeurs dans un projet d’aménagement territorial pour organiser les déplacements, la gestion de l’eau et accompagner / délimiter l’urbanisation. Dans l’objectif de redéployer une urbanisation en retrait du rivage et de faire jouer les liens de solidarités entre littoral et arrière-pays, le projet de paysage pourrait se positionner comme l’élément fédérateur à partir duquel peut s’organiser l’équilibre des territoires entre urbanisation, agriculture et nature en portant une attention particulière à la notion de lisière.
Nous avons vu que les différentes stratégies d’adaptation territoriale mettent en avant la sensibilisation et la mobilisation des acteurs (MEDCIE GSO, 2011 et DREAL BN, 2011), ce qui va dans le sens de la dimension participative défendue par l’UNESCO (Mitchell et al., 2009) où les populations associées au paysage culturel sont les premiers acteurs de sa gestion et où la valeur d’un paysage culturel est basée sur l’interaction entre les populations et leur environnement (cette relation étant au centre de la gestion). Cette posture nous conduit à poser le paysage comme médiation des changements en cours ou à venir. La médiation renvoie à un rôle d’intermédiaire où le médiateur, ici le paysage – mobilise l’attention de tous les acteurs pour la renvoyer sur un autre plan qui est celui des transformations d’un territoire dans toutes ses dimensions, y compris sociales. Cette médiation paysagère possède au moins une double fonction : « indexicale », elle autorise la reconstruction du passé dans l’espace en convoquant des repères historiques, et performative « essentiellement énonciative parce que le faire-faire est un faire-dire avec la dimension pathémique qui signe la démarche » (Paroudy-David, 2008). Cette double dimension appelle d’une part la nécessité de sauvegarder les paysages culturels à valeur patrimoniale et d’autre part à favoriser la mise en œuvre durable de politiques paysagères. Dans des contextes de pluralité des représentations portées sur les paysages, la médiation peut être perçue comme « la prise en compte de regards différents sur l’espace pour favoriser l’élaboration d’une action localisée ou d’un projet collectif » (Candau et Michelin, 2009). La médiation paysagère doit alors conduire à « intégrer une plus grande diversité de regards pour renouveler la gouvernance des politiques paysagères » et « opérer une meilleure compréhension des transformations à l’oeuvre dans les pratiques, mais aussi dans les perceptions et les représentations de chacun vis-à-vis du paysage » (Paradis et Lelli, 2010). À notre connaissance, il n’existe pas encore de médiation paysagère spécifique au changement climatique. Certaines études prospectives ou pré-opérationnelles ont pu s’appuyer sur un projet de paysage pour délimiter l’urbanisation dans un contexte d’anticipation de déport du trait de côte (Grether, 2012).
Dans le cadre de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (adoptée en mars 2012), cinq projets ont été retenus par l’appel « Expérimentation de la relocalisation des activités et des biens : recomposition spatiale des territoires menacés par les risques littoraux » (MEDDE, 2012). Répartis sur les façades maritimes métropolitaines et ultramarines, ces 5 expérimentations démontrent toutes la difficulté financière et administrative d’envisager le repli stratégique d’activités vulnérables. Or il faut s’attendre à ce que les atteintes à l’urbanisme soient généralisées et nécessitent une réponse d’ampleur en repliant massivement les activités les plus exposées. Notre relation au rivage et les formes touristiques actuelles vont être transformées où l’appropriation laissera place à une fréquentation encadrée. En Charente-Maritime et en Vendée, les expérimentations de renaturation sur les zones de solidarité définies après la tempête Xynthia (fig. 8 : Ancien lotissement des Voiliers) peuvent laisser à penser que la restauration des systèmes naturels littoraux sera la meilleure des protections contre les submersions, avec la recréation par exemple de larges cordons dunaires servant d’amortisseurs à la houle. Non seulement la physionomie de la côte va intrinsèquement changer, mais notre regard va aussi évoluer par une prise de distance et un renouveau de la fréquentation. Ce redéploiement des activités et des biens mis en regard des projets de territoires portés par des intercommunalités plus étendues (depuis le 1e janvier 2014) pourrait modifier la relation d’interdépendance entre le littoral et son arrière-pays.
Cet article se veut autant une interpellation qu’une prise de partie. Il interpelle sur la nature culturelle des paysages littoraux et leurs inévitables changements en s’appuyant sur un corpus d’étude techniques développées par les services de l’État. Nous remarquons que les impacts du changement climatique y sont perçus essentiellement négativement, marqués en cela par une culture du risque due au rôle central de l’État dans l’établissement des différents plans de prévention. Un champ d’étude à développer consisterait à approfondir la connaissance des aspects positifs des effets du changement climatique et du bénéfice qu’ils peuvent apporter aux territoires littoraux. Les limites de cette interpellation sont liées à l’absence à ce jour d’analyse prospective associant pression anthropique et changement climatique sur les paysages littoraux et il est encore difficile d’établir les facteurs dominants d’évolution et la part qu’y prendra les impacts (positifs et négatifs) du changement climatique. Il serait souhaitable que des études territorialisées soient menées sur cette question à la suite des ateliers de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Concernant la prise de partie, nous observons l’absence du paysage dans les documents de planification de type Schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) ou sa réduction aux trames vertes et bleues. Or nous pensons que l’adaptation aux effets du changement climatique – contrairement aux politiques d’atténuation – passera prioritairement par des projets de territoire et leurs déclinaisons opérationnelles que sont les projets urbains et les projets de paysage. En matière d’adaptation, rappelons enfin qu’il est aussi important de montrer les changements à l’oeuvre que d’agir. La médiation paysagère liée à l’adaptation doit se développer et la sensibilité des territoires littoraux en fait des terrains d’expérimentation privilégiés.
Il ne tient qu’à nous de veiller à la qualité urbaine et paysagère des nouveaux aménagements en résorption des excès incontrôlés de la seconde parties du 20e siècle (fig. 9 : Immeuble Signal). L’adaptation littorale au changement climatique pourrait utilement s’appuyer sur une représentation du paysage et il est fort à parier que sa transformation mette autant en jeu des questions juridiques (que la force des évènements climatiques nous imposera) que des questions culturelles. L’approche par ce biais pourrait même constituer un levier important dans l’acceptabilité des transformations à venir.
Crédits photographiques de Jean Richer pour les figures 2, 3, 5, 6 et 7 – libre de droit pour la figure 4.
Documents
Brunon, H. « La notion de paysage dans les sciences humaines et sociales : repères sur les approches «culturalistes» ».
Bibliographie Thématique », www.topia.fr , mars 2010
Commissariat général au développement durable (CGEDD). « Paysage et aménagement : propositions pour un plan national d’action ». 2014
Commissariat général au développement durable (CGEDD). « Impacts à long terme du changement climatique sur le littoral métropolitain ». (2011)
Conseil de l’Europe. « Convention européenne du paysage et documents de référence ». 2000
Conservatoire du littoral. « Le conservatoire du littoral face au changement climatique ». 2011
Grether F. « Atelier littoral Charente-Maritime », février 2012, MEDDE
IPCC. « Fifth Assessment Synthesis Report. Approved Summary for Policymakers ». 2014
Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE). « Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Vers la relocalisation des activités et des biens ». 2012
Roué, M. (dir.). « Paysages culturels et naturels : changement et conservation, rapport final ». Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 5145 Eco-Anthropologie et Ethnobiologie
Simonet, G. « Le concept d’adaptation : polysémie interdisciplinaire et implication pour les changements climatiques ». In Natures Sciences Sociétés n°17, p. 392–401, 2009
SOGREAH. « Stratégies territoriales d’adaptation au changement climatique dans le grand sud-ouest ». 2011
Ouvrages et articles
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Besse, JM. « Le Goût du monde : exercices de paysage ». Arles/Versailles, Actes Sud/ENSP, 2009
Candau J. et Michelin Y. « Paysage, outil de médiation ». IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin), collection APPORT Agriculture et Paysage, n° 8, décembre 2009, 23 p.
Mitchell, N., Rössler M., Tricaud PM. « World Heritage Cultural Landscapes – A Handbook for Conservation and Management », World Heritage papers 26, Paris, Unesco, 2009
Sites Internet
Centre du patrimoine mondial. « Paysages Culturels ». URL : http://whc.unesco.org/fr/PaysagesCulturels/#1 (consulté le 20/04/2015)
Mulot, V – Vigneron, AL – Lambert-Habib, ML. « Le littoral face aux changements climatiques ». In Méditerranée, 115 | 2010, Online since 01 December 2012, connection on 14 January 2015. URL : http://mediterranee.revues.org/5264
Paradis, S. et et Lelli, L. « La médiation paysagère, levier d’un développement territorial durable ? », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 1, n° 2 | Septembre 2010, mis en ligne le 17 septembre 2010, consulté le 20 avril 2015. URL : http://developpementdurable.revues.org/8548 (consulté le 20/04/2015)
Parouty-David, F. «Mémoire et médiation paysagère». Actes sémiotiques, 2008. URL : http://epublications.unilim.fr/revues/as/3486 (consulté le 20/04/2015)
Pin, B., Rode, S. et Servain, S. « Processus de construction d’une ressource territoriale valorisant le patrimoine naturel et culturel en Loire tourangelle », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors-série 16 | juin 2013, mis en ligne le 23 mai 2013,. URL : http://vertigo.revues.org/13713 (consulté le 19 avril 2015)